Culture – Portraits : Jonathan Moncef
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Qui êtes-vous ?
Jonathan Moncef Kibani Boussaleh né en France, de deux parents marocains. Metteur en scène et dramaturge, pur produit des banlieues de France et de la zone qui se situe sous le seuil de pauvreté.
Quel est votre parcours ?
J’ai commencé le théâtre à 13 ans sous l’impulsion d’une mère qui a toujours eu un sens aiguë de la scène sans jamais pouvoir l’exploiter. Une mère au talent fou et à l’intelligence fine qui avait peur pour moi parce que je ne parlais pas bien fort. En sortant du lycée, j’intègre l’université en Arts du Spectacle. Je tente une licence ; échoue à intégrer le Conservatoire de Nice, réussis à intégrer le Conservatoire de Nice l’année qui suit. En même temps, dans de modestes théâtres, je suis ouvreur, régisseur, acteur, parfois les trois en même temps. J’ai 18 ans. À l’aéroport, je suis homme de ménage.
À mon départ du Conservatoire, j’intègre le conservatoire d’arrondissement du XIXe de Paris. J’ai 21 ans. Je deviens vendeur Décathlon et prof de “stand up” dans de petites écoles. Je prends du grade à Décathlon, termine mon cursus en Conservatoire et en sors diplômé. Je mets en scène un spectacle et je passe un dernier concours, celui de l’INSAS que j’intègre en 2017. J’ai 25 ans. Je deviens vendeur dans un magasin bio à Bruxelles. Je termine mon cursus et obtient un prix de mise en scène, j’arrête d’être vendeur, je deviens créateur lumière et régisseur. Je mets en scène le spectacle “As salem Aleykoum” au sein de mon collectif Le Sbeul que je fonde en 2025. Je suis metteur en scène et dramaturge.
Que représente La Comédie pour vous ?
Je suis admiratif du travail qui est mené à La Comédie de Valence. La Comédie résiste et nous offre une programmation qui prend des risques et touche à tous les univers. J’y vois évidemment aussi un lieu qui m’aide et me soutient dans mon travail actuellement et qui le fait avec une juste présence toute respectueuse et à l’écoute. Ce qui d’expérience n’est pas un acquis loin s’en faut. Pour ça, je les remercie d’ailleurs.
Pourquoi avoir postulé sur le dispositif S.E.N.D.A. de La Comédie ?
Mon travail est tout entier tourné vers la théâtralisation de ma vie et de mon histoire. Celle du jeune marocain et français que je suis ayant grandi en banlieue. Je suis dans une recherche du juste usage de l’auto-fiction pour véhiculer des idées politiques. Comment transmettre de petites histoires pour proposer de grands changements ? L’appel à projet nous était proposé avec une citation d’Annie Ernaux qui abordait justement l’auto-fiction comme pratique artistique alors ça a résonné tout simplement. C’est une des raisons, la deuxième c’est le lien que j’ai avec la Drôme.
Je suis né à Bourg-de-Péage, je suis passé par la Monnaie pour ensuite y revenir y voir toute ma famille et ce très régulièrement jusqu’à mes 16 ans. Mon grand-père “Allah y Rahmo” – ça veut dire “Paix à son âme” -, mon grand-père s’est installé à la Monnaie quand il est arrivé du Maroc. J’y ai donc vu une trajectoire naturelle dans mon travail, presque évidente, revenir ici pour parler de tout ça.
Comment envisagez-vous la rencontre avec le territoire et ses habitants dans le cadre du S.E.N.D.A. ?
J’ai plusieurs rencontres prévues auprès des trois maisons de quartiers de Romans-sur-Isère notamment. Je crois que parler avec les gens est une façon très simple de rencontrer un territoire. Je suis parti il y a si longtemps, je n’ai pas la prétention de connaître ces lieux, seulement de les avoir connus. Alors je parle avec les gens, je suis friand d’histoire et quand on m’en raconte j’en apprends un peu plus. Je crois que j’ai besoin de ça.
Ensuite on peut se rencontrer par l’art, j’ai plusieurs moments de lectures qui sont prévus où l’on peut parler de ma démarche, de mon travail. On en a déjà fait quelques-unes et je me rends compte que ces moments sont précieux. Les personnes qui viennent ont des avis sur ce que je fais et écris, et j’en suis heureux on peut en parler. On travaille ensemble quelque part et on se rencontre davantage.
Et puis il y a des ateliers d’écriture qui sont organisés, c’est une autre façon de rencontrer le territoire. De mon côté, je marche et je tourne à vélo je repasse par tous les endroits que j’ai connus entre Romans et Valence et je vois le chemin parcouru par ces lieux, ça m’en raconte aussi beaucoup.
Votre actu du moment ?
Je suis tout concentré sur ce que je fais ici. Après, je vais travailler sur Nice à la création d’un spectacle autour d’Antigone avec des jeunes Niçois et Niçoises issus de mon quartier d’enfance, Les Moulins, en lien avec le Théâtre National de Nice et la Cité Éducative. Puis, j’ai mon spectacle ‘As Salem Aleykoum’ qui est en tournée en Belgique sur plusieurs villes, on part pour une quinzaine de dates tout le mois de mars. Si vous êtes dans le coin, venez, vous êtes les bienvenu.e.s !
Quels sont vos projets futurs ?
Le prochain spectacle prévu avec mon collectif s’appelle ‘Miskine, La Démocratie’, il abordera comme de juste la question de la démocratie en Europe et les enjeux qu’on a à la préserver toutes et tous ensemble. Il joue en mars 2026 au Théâtre du Rideau à Bruxelles.