La fête des Laboureurs : une tradition drômoise
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Les fêtes des Laboureurs ou des Bouviers ont succédé aux fêtes de l’agriculture instaurées pendant la Révolution. Elles se déroulaient auparavant essentiellement l’hiver, “période où les gens de la campagne avaient des loisirs par suite du froid et du mauvais temps“.
“Dans la joie et les plaisirs de la liberté”
La fête commence par l’offrande d’un pain chargé d’épis et de rubans, qu’on porte à l’église. Le roi de la fête, choisi par les jeunes gens, a pour sceptre une pique couronnée d’épis. La journée se passe en festins et en danses. Le lendemain, on se rassemble dans le champ : chacun fait amener sa charrue ; on figure les travaux du laboureur et cette seconde journée se passe encore dans la joie et les plaisirs de la liberté.
– Delacroix, Statistique de la Drôme, 2e édition, Valence, 1835
Roi, dauphin et bacchus
La fête était présidée par un roi, secondé par les dauphins qui devaient lui succéder les années suivantes, et par le Bacchus, qui était le roi de l’année précédente, et dont l’emblème était un balai décoré, dont il ne se séparait pas. Ces personnages portaient au début le gibus, avaient des cocardes à la boutonnière et la poitrine barrée d’un large ruban tricolore, insignes de leurs fonctions honorifiques. Ils circulaient dans un superbe landau décoré de fleurs, attelé de deux chevaux avec deux cochers. Quant au Bacchus, son char était toujours décoré de feuilles de vignes et de grappes de raisins et comportait à l’arrière un tonneau de vin blanc.
– Témoignage recueilli par Patrimoine – Pays d’art et d’histoire
Des rituels qui perdurent
Au cours des années, ces fêtes ont évolué. Si leur célébration varie selon les communes (et si elle prend parfois d’autres noms, comme Saint-Vincent à Génissieux), elles ont gardé une partie des rituels hérités de la tradition. Parmi ces rituels :
L’aiguillon, ou fourche, ou pique
Ce long bâton muni d’une pointe était utilisé par les bouviers, nom que l’on donnait aux agriculteurs en charge des bœufs utilisés pour labourer les terres. Le roi ou président y accroche son ruban ou écharpe comme “témoin de son passage”. Il est le symbole de la fête et a une valeur importante puisqu’il supporte les écharpes de tous les anciens rois.
Le triomphe
Le triomphe est une sorte de table à 4 bras. Porté par des enfants, il est décoré de tulle, de fleurs des champs en papier soie ou crépon, d’un bouquet d’épis de blé. Sur cette table sont posés le pain et 4 pognes qui seront bénis lors de la messe de la fête des Laboureurs.
Les écharpes
Elles permettent d’identifier et différencier chaque grade. L’écharpe des présidents et rois est de couleur bleu, blanc, rouge.
La cocarde
À Upie par exemple, on compte trois cocardes différentes : l’une est tricolore, destinée aux classards ; la seconde, sur laquelle est brodée une paire de bœufs travaillant la terre, menée par un bouvier, est destinée au public de la fête ; la troisième, ornée des armoiries de la commune, est attribuée aux anciens rois.
Les bugnes
À Fauconnières, une cinquantaine de personnes se réunissent le mercredi avant la fête pour les confectionner. Le couple présidentiel les offre à toute la population le dimanche matin avant la messe.
De baron à bacchus
Le baron est le dernier arrivé dans la “dynastie royale”. Il deviendra l’année suivante (année N-1) le dauphin, puis le roi la troisième année. L’année suivant son “règne”, il sera le bacchus.
Les corsos
Certains corsos font partie intégrante de la fête des laboureurs, comme à Upie, Fauconnières ou Saint-Paul-lès-Romans. Plusieurs communes (Châteauneuf-sur-Isère, Étoile-sur-Rhône…) n’accueillent pas de fête des laboureurs mais cultivent la tradition du corso qui fédère une partie des habitants mobilisés pendant de nombreuses semaines autour de la préparation de l’événement.
Ils témoignent
C’est un vrai facteur d’intégration pour les nouveaux arrivants. La vingtaine de chars qui défilent dans les rues de la commune le dimanche après Pâques sont confectionnés à partir de janvier, avec la complicité d’agriculteurs qui mettent à disposition hangars, remorques et tracteurs. Chaque char est l’œuvre d’une association, d’un club sportif. Ce qui prévaut, c’est le partage, l’appartenance à un groupe, le respect d’une tradition… Le vendredi soir, on se rend visite, on fait la tournée des chars. On se taquine, mais on apprend surtout à se connaître.
– Frédéric Vassy, maire de Châteauneuf-sur-Isère
La fabrication des chars est complexe et nécessite un savoir-faire transmis de génération en génération. Elle commence par la construction d’une structure en bois ou en fer qui déterminera la forme. Ensuite cette structure sera le plus souvent habillée d’une grille sur laquelle nous collerons du papier journal qui en séchant se tendra et rigidifiera l’ensemble. Vient ensuite le gaufrage, réalisé avec du papier crépon qui sert également à la fabrication de milliers de fleurs, qui seront collées sur la structure. Jusque dans les années 1920, les chars étaient tirés par des bœufs ou des chevaux, remplacés, durant l’entre-deux-guerres par des voitures décorées, qui ont laissé place aux tracteurs.
– Christian Desbos, président du comité des fêtes de Fauconnières